dimanche 21 juin 2015

Et si...

"Terre des oublis"
 de
Duong Thu Huong

L'auteur

DUONG THU HUONG est née en 1947 au Vietnam, Militante, elle n'a cessé de défendre vigoureusement ses engagements démocratiques, au point finalement d'être exclue du parti communiste en 1990, avant d'être arrêtée et emprisonnée sans procès. Aujourd'hui, elle vit en résidence surveillée à Hanoï.
Son œuvre est publiée dans le monde entier : Terre des oublis est son sixième livre traduit en français. (Sabine Wespieser Editeur)

Extrait de la 4ème de couverture

Alors qu'elle rentre d'une journée en forêt, Miên, une jeune femme du Hameau de la Montagne, situé en plein cœur du Vietnam, se heurte à un attroupement : l'homme qu'elle avait épousé quatorze ans auparavant, dont la mort comme héros et martyr avait été annoncée depuis longtemps déjà, est revenu. Miên est remariée avec un riche propriétaire terrien, Hoan, qu'elle aime et avec qui elle a un enfant. Bôn, le vétéran communiste, réclame sa femme. Sous la pression de la communauté, Miên, convaincue que là est son devoir, se résout à aller vivre avec son premier mari.


Mon avis

Un choc ! Ce livre est une pure merveille. 
L'histoire se déroule sous la forme d'un roman choral à trois voix. Un triangle amoureux, qui n'en n'est pas un, mais qui touche pourtant trois innocentes victimes.
Le lecteur plonge alternativement dans les pensées de chacun des acteurs de cette tragédie et se voit impliqué dans leurs introspections grâce à un jeu d'écriture en italique qui ponctue les paragraphes.
Le "Sergent" est là aussi de temps en temps. Personnage d'ombre, sorti de terre, mort au combat dans les bras de Bôn. Il revient quand son meilleur ami ne parvient plus à faire surface et devient le confident, le conseiller, comme les héros imaginaires le sont pour les jeunes enfants.
Un livre intense donc, dans une période d'après guerre où la majeure partie de la population a pour préoccupation principale de trouver le bol de riz qui nourrira sa famille. Un univers de pauvreté, de dénuement, de prostitution dans un Vietnam encore meurtri des suites de la guerre, mais aussi enfermé dans des principes et des traditions archaïques.
Se pose alors la question du libre arbitre. Peut-on, et doit-on accepter les facéties cruelles du destin ? L'amour ou l'honneur ?
J'ai beaucoup aimé l'approche de l'auteur, car le schéma comportemental et psychologique de chacun des personnages est admirablement bien dépeint.
Chacun des protagonistes m'a touché : Miên pour son admirable abnégation, Hoan pour son comportement digne et exemplaire, et Bôn parce qu'il est probablement celui pour qui la vie s'est montrée la plus sévère et la plus injuste.
Pourtant, je me suis quand même posée cette question : et si... ?

Et si vous lisiez ce livre ? 

 

Quelques extraits

"La femme est un monde mystérieux, incompréhensible. Elle se désintéresse de la logique ordinaire et n'écoute que la voix de son cœur. C'est pourquoi l'homme n'arrivera jamais à sa hauteur... La femme est plus clairvoyante que l'homme sans doute justement grâce à ce fond obscur de son âme où l'intelligence s'arrête, où l'intuition érige ses antennes invisibles mais efficaces."

 "Et pourtant, il lui avait fait l'amour avec condescendance, froideur et mépris comme Miên avec lui maintenant. Il goûtait le fruit amer que la jeune Laotienne avait dû goûter.

"Mon fils, sais-tu quel est le pire ennemi de l'homme ? Ce ne sont ni les barbares, ni les agresseurs, ni les riches malhonnêtes, c'est l'indécence. Et l'indécence, c'est toujours à nous que nous la devons."

"Le pays natal n'a de sens que si on y trouve un toit chaleureux. Là où on trouve ce toit, là est le pays natal."

"Hoan aimait le contact avec un homme qui était exactement son opposé, comme un enfant effrayé par les fantômes adore écouter des histoires de fantômes. C'est peut-être grâce à ceux qui ont un regard et des sentiments différents des nôtres sur la réalité que nous avons la chance de nous remettre en question, de sonder les zones obscures au tréfonds de notre âme, que nous ne voyons jamais tant que nous vivons au milieu des gens qui nous ressemblent."

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire