dimanche 22 février 2015

L'Eveil d'une femme...


L'éveil de Kate Chopin  - 1899


J’avais très envie de vous présenter Kate Chopin, écrivaine américaine assez peu connue en France. 
Son parcours littéraire a été très court et pourtant fulgurant.
Elle a fait partie de ces femmes, au même titre que Sand, Staël, Auten, les sœurs Bronté, Woolf… capables d’évoquer l’âme féminine avec profondeur.
Pour apprécier et surtout comprendre son œuvre, il est important de connaître son histoire.


Kate Chopin (O’Flaherty) est née en 1850 à Saint Louis d’un père Irlandais (qui décède alors qu'elle n'a que cinq ans) et d’une mère Franco Américaine (Créole).

Le premier impact à noter sur son chemin littéraire est que Kate n’a autour d'elle que des modèles féminins, puisque son arrière grand-mère, sa grand-mère et à présent sa mère sont toutes les trois veuves. Donc, contrairement à ses amies, elle n’a pas à supporter un père de famille dominant, un maître de maison qui impose sa loi. Catherine O'Flaherty n’apprend donc pas la soumission au sexe dit « fort ».
Autre point important dans la vie de l'auteure, c'est qu'à l’inverse de beaucoup de jeunes filles de l’époque, elle a accès à la connaissance car sa mère l’inscrit dans un pensionnat catholique pour suivre des études secondaires,  prérogative réservée à la gente masculine.
Son côté indépendant n'empêche pas Kate d'apprécier la compagnie des hommes, elle n’a rien d’un « bas-bleu ». Elle est jolie, de bonne compagnie, elle aime danser, rire et sortir avec les garçons.


A l’âge de 19 ans, elle épouse Oscar Chopin, dont elle aura six enfants. Quelques années plus tard, en 1882, alors qu’elle n’a que 32 ans, son mari meurt de paludisme. Kate se retrouve seule pour nourrir sa famille et devient commerçante.
En 1884, sa mère décède à son tour. Nouveau bouleversement dans la vie de l’écrivaine qui se met alors à lire abondamment des auteurs de la littérature française.  Elle traduit également les œuvres de Maupassant et d’Alphonse Daudet pour un journal de Saint Louis. (Le Saint Louis Dispatch)
 
Le journal "Le Saint-Louis Dispatch"


Texte de Kate Chopin pour le journal
Son goût pour l’indépendance se renforce lors de ses  pérégrinations à La Nouvelle-Orléans qui  lui inspirèrent la nouvelle intitulée « Emancipation : A Life Fable ». Elle remet alors en question l'autorité de l'église catholique romaine en ce qui concerne le rôle de la femme,  puis elle commence à choquer l’opinion en se promenant seule dans les rues de la ville pendant ses vacances  dans une station balnéaire du Golfe du Mexique (ce qui n’est pas convenable pour une femme de cette époque).

L'Eveil est aujourd'hui traduit dans plusieurs langues
 
Edna Pontellier - L'Eveil
 

A 39 ans, elle commence à écrire des nouvelles dont les personnages sont souvent des créoles. Ces recueils sont bien accueillis par les lecteurs, en revanche son premier roman « The Awakening » (l’Eveil) qu’elle publie en 1899 fait scandale car il évoque les pensées intimes d'une femme éprise de liberté. Son livre est considéré comme indécent par l'opinion, il est banni des bibliothèques publiques et mis au ban des librairies. Elle-même est exclue du club des Beaux-Arts de Saint Louis.
Elle sera tellement touchée et dévastée par les critiques virulentes des bien-pensants qu'elle déteste, que "l’Eveil" restera le seul roman qu’elle publiera. Elle décédera en 1904 d'une hémorragie cérébrale.

Bibliographie -  autres livres édités en France (recueils de nouvelles)
  • Le Sorcier de Gettysburg, 
  • Une nuit en Acadie,  
  • La Cigarette égyptienne




4ème de couverture
Une villégiature en Louisiane à la fin du siècle : robe de mousseline, ombrelles, soirées musicales, villas du bord de mer et enfants sages. Un univers serein et paisible. Un peu trop, peut-être, aux yeux d'Edna pour qui cette quiétude confine à la torpeur. Une émotion amoureuse, un parfum enivrant et la vie change de registre. C'est "l'éveil". La jeune femme découvre son goût de vivre, sa créativité, son corps, elle-même en somme. Découverte qui ne va pas sans poser de problèmes, dans l'Amérique de ces années-là...

L'histoire
Edna Pontellier est une jeune femme mariée, maman de deux jeunes garçons. Elle a une vie confortable, un mari gentil mais souvent absent pour affaires. Elle s'ennuie. Elle tombe amoureuse d'un autre homme et se pose des questions sur sa condition de femme... Tout bascule et tout se bouscule dans son esprit et dans sa vie.

Mon avis
Un coup de cœur ! Pour moi une œuvre magistrale de la littérature féministe. Edna Pontellier, l'héroïne de ce roman est plus que convaincante. L'écriture de Kate Chopin est précise, fine et remarquablement sensible. C'est un livre qui s'adresse autant aux hommes qu'aux femmes, car comme je l'indiquais dans la biographie de l'auteure, Kate Chopin n'écrivait pas contre les hommes, mais pour l'émancipation et la liberté des femmes. 
Cette auteure ne connait le succès que depuis quelques années, mais encore trop peu en France à mon avis. Si je peux, par cette simple critique, contribuer à la faire connaître davantage, j'en suis ravie !

Quelques extraits 

"La voix de la mer est séductrice ; sans jamais se lasser, elle chuchote, gronde, murmure, invite l’âme à errer pour un temps dans des abîmes de solitude ; à se perdre dans des dédales de contemplation intérieure.
La voix de la mer parle à notre âme. La caresse de la mer est sensuelle, elle enveloppe le corps de sa douce étreinte."


"L'oiseau qui veut s'élever au-dessus du simple niveau des traditions et des préjugés doit avoir les ailes solides. C'est un triste spectacle de voir la pauvre hirondelle meurtrie, épuisée, revenir à terre en battant faiblement des ailes."

"Maintenant c'est vous qui me racontez des histoires et cherchez à m'abuser, mademoiselle ; ou alors vous n'avez jamais été amoureuse et vous ignorez ce que c'est. Enfin, poursuivit Edna, en serrant ses genoux et en levant les yeux vers les traits pincés de la vieille demoiselle, croyez-vous qu'une femme sache pourquoi elle aime ? Est-ce qu'elle choisit, et se dit : "Allons ! Voici un homme d’État distingué, susceptible de devenir président ; je vais tomber amoureuse de lui"? 

"Il voyait clairement qu’elle n’était pas elle-même. C’est-à-dire qu’il ne voyait pas qu’elle devenait elle-même, et que chaque jour elle rejetait davantage cette personnalité factice dont nous nous affublons comme d’un vêtement pour paraître aux yeux du monde."

Le film tiré du livre


2 commentaires:

  1. Merci pour ce beau billet qui me donne envie de découvrir ce livre ! Je connaissais l'adaptation qui est dans ma pile de films à voir, mais je ne connaissais pas le livre.

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  2. Je pense qu'il est préférable de lire le livre avant. C'est vraiment une perle ce bouquin :)

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